La Guinée, pays riche en ressources hydrauliques, est confrontée à une situation paradoxale : elle exporte de l’énergie électrique tout en laissant certaines de ses villes dans l’obscurité. Cette situation suscite de nombreuses questions, notamment pourquoi un pays, capable de produire suffisamment d’électricité pour en vendre à ses voisins, peine-t-il à assurer un approvisionnement stable à ses propres citoyens ?
Une Explication du Ministre de l’Énergie :
Interrogé sur cette question cruciale le 17 octobre, le ministre guinéen de l’Énergie, Aboubacar CAMARA, a apporté des éclaircissements sur les raisons qui justifient cette situation et les mesures envisagées pour y remédier.
« On n’a pas de lignes de transport suffisantes pour acheminer l’électricité vers l’intérieur du pays », a-t-il expliqué. Malgré la disponibilité de l’énergie, il manque les infrastructures nécessaires pour la distribuer dans tout le pays. Le surplus d’électricité produit par les barrages hydroélectriques doit donc être exporté, faute de quoi cette énergie serait gaspillée.
Face à ce dilemme, la Guinée n’a que deux choix, selon le ministre : soit perdre des dollars en versant l’eau des barrages, soit vendre cet excédent d’énergie aux pays voisins et réinvestir les profits dans la construction des infrastructures de transport électrique, indispensables pour alimenter les villes intérieures.
Un Secteur Énergétique à Réformer :
Pour améliorer la situation, le gouvernement guinéen envisage une ouverture du secteur de l’énergie au privé. Cela permettrait à des entreprises et investisseurs d’intervenir dans la construction des lignes de transport d’électricité à travers le pays. « L’État ne peut pas tout faire », reconnaît Aboubacar CAMARA. Il prône la mise en place de contrats de type BOT (Build-Operate-Transfer), où les investisseurs privés financeraient et construiraient les infrastructures, avant de se faire rembourser via les revenus générés par l’exploitation de ces lignes.
Actuellement, les lignes de transport vers l’extérieur du pays, utilisées pour exporter l’électricité vers des pays comme le Sénégal, le Libéria ou la Gambie, ne sont pas la propriété de la Guinée. Ces infrastructures sont le fruit de projets intégrés sous-régionaux comme ceux de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG). La Guinée fait partie de ce réseau interconnecté mais manque cruellement de structures propres pour assurer sa consommation intérieure.
Quelles Perspectives pour la Guinée ?
La solution passe donc par des investissements massifs dans les lignes de transport. Ces nouvelles infrastructures permettraient d’électrifier les régions encore dépendantes des systèmes thermiques et d’améliorer la chaîne de distribution de l’énergie dans tout le pays. Cependant, avec un coût estimé à 400 millions de dollars par an, l’État guinéen, selon Aboubacar CAMARA, ne peut supporter seul ce fardeau financier. C’est pourquoi la participation des acteurs privés est vue comme une nécessité pour relever ce défi.
L’ouverture du secteur énergétique aux investisseurs privés pourrait ainsi être la clé d’une meilleure gestion des ressources énergétiques de la Guinée, en assurant une répartition plus équitable de l’électricité tout en continuant de générer des revenus à travers les exportations.
Il est plus que primordial de noter que, la Guinée se trouve à la croisée des chemins en matière de gestion de ses ressources énergétiques. Si le gouvernement parvient à attirer des investisseurs et à construire les infrastructures de transport nécessaires, le pays pourrait enfin réaliser son plein potentiel énergétique, en offrant à ses citoyens l’accès à une énergie fiable tout en tirant parti de ses exportations. Il reste à voir si cette vision se concrétisera dans les années à venir, permettant à la Guinée de sortir de cette énigme énergétique.
Mamadouba CAMARA