L’école guinéenne traverse une crise profonde, discrète mais lourde de conséquences. Elle est censée être le creuset où naissent les élites, les penseurs, les inventeurs et les bâtisseurs de demain. Pourtant, une question persiste : pourquoi notre système éducatif peine-t-il à produire des élites réellement compétitives, capables de se mesurer aux standards régionaux et internationaux ?
Première faille : l’inadéquation entre les contenus enseignés et les besoins du monde réel. Nos programmes sont souvent figés, théoriques, et déconnectés des enjeux contemporains. À quoi sert d’étudier pendant seize ans si, à la fin, l’on ne sait ni créer, ni innover, ni s’adapter ? Le système valorise la récitation au détriment de la réflexion, la conformité plutôt que la créativité. L’élève apprend à subir, pas à questionner.
Ensuite, il y a la question des moyens. Les écoles manquent de tout : manuels actualisés, infrastructures, laboratoires, accès au numérique. Les enseignants, souvent mal payés et peu motivés, doivent composer avec des classes surchargées, parfois sans tableau ni craie. Comment former des esprits d’excellence dans de telles conditions ?
La formation des enseignants elle-même est à revoir. Trop peu sont préparés aux défis pédagogiques modernes. L’absence de formation continue les éloigne des évolutions pédagogiques mondiales. Or, un enseignant dépassé forme des élèves désarmés.
Il faut aussi parler du rôle de la famille et de la société. Dans un environnement où l’on valorise davantage le succès matériel que l’excellence intellectuelle, où les modèles de réussite ne sont ni les chercheurs ni les inventeurs, comment inspirer les jeunes à rêver grand ? L’élite ne se forme pas dans le vide : elle émerge dans une société qui valorise le savoir et l’effort.
Enfin, la politique éducative manque de vision à long terme. Les réformes sont souvent superficielles, mal pensées, et rarement évaluées. L’éducation est traitée comme un simple secteur parmi tant d’autres, alors qu’elle est la colonne vertébrale du développement d’un pays.
Pour que l’école guinéenne forme enfin des élites compétitives, il faudra tout repenser : les contenus, les méthodes, les moyens, les mentalités. Il faudra, surtout, avoir le courage de bâtir un système éducatif qui ose l’excellence.
Mamadouba CAMARA