Burkina Faso : le gouvernement rétablit la peine de mort pour répondre aux « aspirations profondes du peuple »

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Le Burkina Faso a franchi un tournant majeur dans sa politique judiciaire. Réuni en Conseil des ministres ce jeudi 4 décembre, sous la présidence du capitaine Ibrahim Traoré, l’exécutif burkinabè a adopté un projet de loi rétablissant officiellement la peine de mort. Une décision qui suscite déjà de vives réactions, mais que le gouvernement présente comme un instrument destiné à renforcer l’autorité de l’État et à répondre aux attentes d’une partie de la population.

Selon les informations communiquées à l’issue du Conseil, plusieurs infractions seront désormais passibles de la peine capitale. Parmi elles, la haute trahison, les actes de terrorisme et les actes d’espionnage. Des crimes considérés comme une menace directe contre la sécurité nationale et la stabilité du pays, qui fait face depuis près d’une décennie à une crise sécuritaire profonde, alimentée par les attaques djihadistes et les réseaux criminels.

Le ministre de la Justice et des Droits humains, Edasso Rodrigue Bayala, a défendu vigoureusement cette orientation. Pour lui, le projet de loi ne constitue pas un recul, mais plutôt un alignement de la justice sur les exigences d’un contexte exceptionnel. « L’adoption de ce projet de loi s’inscrit dans la dynamique des réformes globales du secteur pour une justice qui répond aux aspirations profondes du peuple », a-t-il déclaré. Dans un pays où de nombreuses communautés vivent au rythme de la violence, le gouvernement estime que des mesures fortes sont nécessaires pour restaurer la confiance et renforcer la dissuasion.

Sur le terrain, cette décision est perçue de manière contrastée. Une partie de la population, épuisée par les pertes humaines et les déplacements forcés, y voit un signal de fermeté. Depuis plusieurs années, les appels à des sanctions exemplaires contre les acteurs du terrorisme se multiplient, et de nombreux citoyens estiment qu’une justice trop clémente alimente l’impunité. Pour ces partisans, le rétablissement de la peine capitale est un « acte de courage politique ».

En revanche, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un risque de violation des droits humains et un recul par rapport aux engagements internationaux du Burkina Faso. Les organisations de défense des droits de l’homme rappellent que la peine de mort est irréversible et que son application en période de tensions sécuritaires peut conduire à des abus. Plusieurs observateurs craignent également que ce texte, en incluant des infractions comme la « haute trahison », puisse être interprété de manière large et servir à museler certaines oppositions.

Sur le plan politique, la décision pourrait repositionner le Burkina Faso sur la scène internationale. Le pays, qui observait un moratoire de facto depuis plusieurs années, s’éloigne désormais du mouvement panafricain et mondial en faveur de l’abolition. Mais pour les autorités de transition, la priorité reste la lutte contre l’insécurité et la consolidation de l’État, dans un contexte où le pays tente de reprendre le contrôle de larges portions de territoire.

Ce projet de loi devra encore passer devant l’Assemblée législative de transition pour être définitivement adopté. Mais déjà, le débat s’impose au cœur de la société burkinabè, entre exigences de sécurité et défense des droits humains. Une chose est certaine : le rétablissement de la peine de mort marque une nouvelle étape dans la politique de fermeté adoptée ces derniers mois par Ouagadougou.

Mamadouba CAMARA

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