Guinée-Bissau : Après le coup d’État, la sortie controversée de Filipe Nyusi relance le débat sur la publication des résultats

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Une semaine après le coup d’État qui a secoué la Guinée-Bissau, le débat autour des résultats des élections du 23 novembre continue de diviser la scène politique. Ce jeudi 4 décembre, Filipe Nyusi, ancien président du Mozambique et chef de la mission d’observation de l’Union africaine (UA), a jeté un pavé dans la mare en affirmant qu’il existe bel et bien des résultats et qu’ils peuvent être proclamés. Une déclaration qui contraste fortement avec la position officielle de la Commission nationale électorale (CNE), qui affirmait deux jours plus tôt être dans l’incapacité de publier ces résultats.

Pour Filipe Nyusi, les faits sont clairs : le scrutin s’est déroulé sans heurts, les urnes ont été sécurisées et les conditions étaient réunies pour permettre un dépouillement normal. « En Guinée-Bissau, les élections se sont bien déroulées et il y a un vainqueur. Ou alors, si je veux faire preuve de modestie, il y a des résultats et ces résultats doivent être publiés. Ça, on ne peut pas l’éviter », a-t-il déclaré. L’ancien président mozambicain estime que refuser la proclamation équivaut à remettre en cause la légitimité même du processus électoral, une position ferme qui résonne comme un appel à la transparence.

Ces propos, toutefois, interviennent dans un contexte explosif. Depuis l’attaque menée par des hommes armés et cagoulés, juste avant la vérification des procès-verbaux, la CNE affirme ne plus disposer du matériel nécessaire pour finaliser le dépouillement. Elle soutient que cette confiscation l’empêche de proclamer des résultats fiables, une explication qu’elle réitère depuis plusieurs jours pour justifier son silence.

C’est donc peu étonnant que la sortie de Filipe Nyusi ait provoqué des réactions immédiates. L’équipe de campagne du président sortant Umaro Sissoco Embaló, dont la position reste scrutée de près depuis les événements, a dénoncé des propos « malheureux et dangereux ». Pour José Paulo Semedo, l’un des porte-parole de la campagne, Nyusi s’érige à tort en contradicteur d’une commission électorale déjà fragilisée. « La Commission a expliqué pourquoi elle ne peut proclamer les résultats. Le matériel électoral a été confisqué. Filip Nyusi essaie de remettre en question des faits qui ont pourtant été clairement établis », martèle-t-il.

Fait notable, l’équipe d’Umaro Sissoco Embaló elle-même a adressé une lettre officielle à la CNE pour demander la proclamation des résultats. Mais pour Semedo, appeler à la transparence n’est pas incompatible avec la nécessité de respecter les procédures et de ne pas désavouer publiquement l’organe électoral. « Ce qui pose problème ici, ce sont les déclarations de Filip Nyusi, qui contredisent les affirmations de la Commission nationale électorale », insiste-t-il.

Au cœur de cette crise, deux visions s’opposent : celle, institutionnelle, qui invoque des contraintes matérielles réelles après une attaque armée ; et celle, politique, qui soutient que le pays ne peut rester indéfiniment dans le flou. Dans un contexte déjà tendu par un coup d’État, cette divergence nourrit les inquiétudes d’une population qui attend des réponses.

Entre exigences de transparence, tensions institutionnelles et climat sécuritaire fragile, la Guinée-Bissau traverse l’un des moments les plus incertains de son histoire récente. La pression ne cesse de monter autour de la CNE, sommée de restaurer la confiance et de redonner au processus électoral sa légitimité. Dans ce climat volatil, chaque déclaration, chaque prise de position devient un enjeu politique majeur. Et pendant que les élites se déchirent sur le récit des élections, le peuple bissau-guinéen attend toujours la vérité des urnes.

Mamadouba CAMARA

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