Scandale humanitaire au Burkina Faso : près de 3 milliards FCFA détournés, une ex-ministre face à la justice
Au Burkina Faso, une affaire judiciaire d’une gravité exceptionnelle secoue le ministère de l’Action humanitaire et relance le débat sur la gestion des fonds publics destinés aux populations vulnérables. Plusieurs fonctionnaires comparaissent actuellement devant la justice, accusés d’avoir détourné près de trois milliards de francs CFA initialement alloués à la prise en charge des personnes déplacées internes, victimes des attaques terroristes qui frappent le pays depuis plusieurs années.
Cette affaire, désormais connue sous le nom de « dossier Amidou Tiegnan », tire son origine des révélations faites par ce fonctionnaire lui-même, reconnu coupable de détournement de fonds. Face à la justice, Amidou Tiegnan a choisi de dénoncer un système plus large, impliquant plusieurs agents de l’administration, qu’il accuse d’avoir participé ou fermé les yeux sur des pratiques frauduleuses au détriment des déplacés internes, déjà fragilisés par l’insécurité et la précarité.
Parmi les personnes mises en cause figure une ancienne ministre de la Solidarité nationale, Laure Hien Zongo. Sa présence dans ce dossier a donné une dimension politique et symbolique forte au procès, tant son nom est associé à la gestion des questions sociales et humanitaires durant son passage au gouvernement. Les débats autour de son cas ont occupé une large place lors des audiences, suscitant une attention particulière de l’opinion publique burkinabè.
Les avocats de l’ancienne ministre contestent vigoureusement sa comparution devant la justice ordinaire. Selon eux, les procédures engagées ne respecteraient pas certaines garanties juridiques, notamment en lien avec son ancien statut ministériel. Ils ont annoncé avoir saisi à la fois la Cour d’appel et le Conseil constitutionnel afin de faire obstacle à la poursuite du procès en l’état. Une démarche qui, selon la défense, vise à faire respecter le droit et la Constitution.
Du côté du parquet, le ton est tout autre. Les procureurs estiment que ces recours relèvent d’une « manœuvre dilatoire », destinée à gagner du temps et à retarder l’issue judiciaire d’un dossier sensible. Pour l’accusation, les faits sont suffisamment établis pour que le procès se poursuive sans entrave, au nom de la lutte contre l’impunité et de la protection des deniers publics.
Malgré ces tensions procédurales, la juridiction a décidé de renvoyer l’affaire au début de l’année 2026. Un report qui laisse planer une attente lourde, aussi bien pour les accusés que pour les victimes indirectes de ce scandale, à savoir les milliers de déplacés internes qui comptaient sur ces fonds pour se nourrir, se loger et se soigner.
Au-delà du volet judiciaire, cette affaire met en lumière les défis majeurs de gouvernance auxquels le Burkina Faso est confronté, dans un contexte marqué par l’insécurité, la crise humanitaire et la rareté des ressources. Pour de nombreux observateurs, le dossier Amidou Tiegnan constitue un test crucial pour la crédibilité de la justice burkinabè et pour la volonté réelle des autorités de lutter contre la corruption, y compris lorsqu’elle touche des hauts responsables.
Alors que le pays tente de répondre aux urgences sécuritaires et sociales, cette affaire rappelle que la transparence et la reddition des comptes restent des piliers indispensables pour restaurer la confiance des citoyens et garantir que l’aide destinée aux plus vulnérables ne soit plus détournée de sa mission première.
Mamadouba CAMARA