Guinée-Bissau sous tension : la société civile accuse un “complot d’État” et interpelle la CEDEAO
À la veille de la 68ᵉ session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, prévue ce dimanche 14 décembre 2025 à Abuja, la situation politique en Guinée-Bissau s’invite avec fracas à l’agenda sous-régional. Un collectif de 17 organisations et mouvements de la société civile d’Afrique de l’Ouest est monté au créneau pour dénoncer ce qu’il qualifie de grave dérive institutionnelle dans ce pays déjà fragilisé par des décennies d’instabilité politique.
Dans une déclaration rendue publique ce vendredi 13 décembre 2025, ces organisations pointent du doigt le Général Horta N’Tam et les autorités militaires, accusés d’avoir orchestré une prise de pouvoir préméditée afin d’empêcher la publication des résultats de l’élection présidentielle du 23 novembre dernier. Pour la société civile, les événements survenus le 26 novembre 2025 ne relèvent pas d’un coup d’État classique, mais bien d’une manœuvre soigneusement préparée en amont.
Le collectif exprime une « profonde préoccupation » face à l’intervention des militaires intervenue à la veille même de la proclamation des résultats du scrutin. Selon lui, cette chronologie ne doit rien au hasard. Elle serait la preuve d’un plan visant à confisquer la volonté populaire exprimée dans les urnes, alors même que le processus électoral avait été largement salué par les observateurs nationaux et internationaux.
Contrairement au vocabulaire habituellement employé dans ce type de situation, les organisations de la société civile refusent d’utiliser le terme de « coup d’État ». Elles parlent plutôt d’un « complot d’État », qu’elles attribuent directement au président sortant, Umaro Sissoco Embaló, en connivence avec les forces armées. Une accusation grave, portée publiquement par Alsény Farinta Camara et ses camarades.
« Ce qui s’est passé dans ce pays ne peut pas être appelé coup d’État. C’est un complot d’État qui aurait été orchestré par Umaro Sissoco Embaló. Nous dénonçons fermement cette fourberie cynique et inique du président sortant avec les forces armées pour porter de graves atteintes à la publication officielle des bulletins de vote », a déclaré le porte-parole du collectif, dans un ton particulièrement virulent.
Les organisations rappellent que les élections présidentielles et législatives du 23 novembre 2025 s’étaient déroulées dans un climat relativement apaisé. La communauté internationale avait même qualifié le scrutin de « libre, transparent et crédible », renforçant ainsi l’espoir d’une transition démocratique stable dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, trop souvent secoué par des crises politiques et militaires.
Face à cette situation, la société civile ouest-africaine en appelle directement à la CEDEAO. Elle exhorte l’organisation sous-régionale à prendre ses responsabilités en contraignant les autorités militaires bissau-guinéennes à publier sans délai les résultats officiels du scrutin. Pour le collectif, toute complaisance ou silence de la CEDEAO risquerait de créer un précédent dangereux, susceptible d’encourager d’autres dirigeants à user de stratégies similaires pour se maintenir au pouvoir.
Alors que les chefs d’État de la sous-région s’apprêtent à se réunir à Abuja, la crise bissau-guinéenne apparaît désormais comme un test majeur pour la crédibilité de la CEDEAO en matière de défense de la démocratie et de l’ordre constitutionnel. Les prochains jours seront décisifs, tant pour l’avenir politique de la Guinée-Bissau que pour la stabilité démocratique de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.
Mamadouba CAMARA