Guinée-Bissau : la junte renforce son emprise et accorde des “super-pouvoirs” au nouveau procureur

0

La Guinée-Bissau vit une accélération politique sans précédent depuis le coup d’État du 26 novembre 2025. Moins de deux semaines après la prise du pouvoir par l’armée, la junte multiplie les décisions structurantes pour asseoir son autorité. Entre la création d’un Conseil national de transition et l’adoption d’une nouvelle charte, elle a franchi un cap décisif ce vendredi 5 décembre avec la nomination d’un nouveau procureur de la République doté de pouvoirs élargis.

Près de dix jours après la chute des institutions civiles, le haut-commandement militaire a officialisé la mise en place d’un Conseil national de transition, chargé de piloter cette période exceptionnelle. Dans ce contexte, la nomination d’Ahmed Tidiane Baldé apparaît comme l’une des décisions les plus emblématiques du nouveau pouvoir. Ancien président de la Cour des comptes, cet homme reconnu pour avoir supervisé la certification des finances publiques est également présenté comme un proche de l’ex-président Umaro Sissoco Embaló, un détail qui alimente les spéculations quant aux orientations futures de la transition.

Le décret n°3, rendu public le jeudi 4 décembre, révèle l’ampleur de la réorganisation institutionnelle en cours. Dans son article premier, il dissout le Conseil supérieur de la magistrature, un organe clé garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Sa disparition ouvre la voie à une centralisation inédite du contrôle des institutions judiciaires entre les mains de la junte.

Dans cette nouvelle architecture, le procureur de la République devient une figure centrale de l’appareil d’État. Les pouvoirs qui lui sont accordés dépassent largement ceux prévus dans l’ordre constitutionnel précédent. Désormais, Ahmed Tidiane Baldé peut nommer son adjoint, le procureur général, mais aussi désigner les juges à la tête des différents tribunaux du pays. Il a également l’autorité de décider de leurs mutations, consolidant ainsi une influence considérable au sein de la machine judiciaire.

Pour les analystes, cette montée en puissance du parquet marque une volonté claire du pouvoir militaire : contrôler l’ensemble de la chaîne judiciaire afin de stabiliser, ou verrouiller, selon les perspectives, la transition en cours. La Guinée-Bissau entre ainsi dans une phase où l’équilibre des pouvoirs est profondément transformé, et où la justice devient un instrument décisif du nouvel ordre instauré depuis le 26 novembre.

L’avenir dira si cette consolidation annoncée contribuera à apaiser le pays ou à intensifier les tensions autour de la transition en cours.

Mamadouba CAMARA

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.