La capitale guinéenne a vécu ce jeudi 27 novembre 2025 un moment chargé d’histoire et d’émotions. Pour la première fois depuis les douloureux déguerpissements de Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimess, l’État a procédé à la remise officielle des premiers titres fonciers individuels aux familles expropriées. Une cérémonie solennelle qui marque une avancée majeure dans le processus de réparation engagé par les autorités de la transition.
Devant plusieurs membres du gouvernement et une foule de bénéficiaires, le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, Mory Condé, a ouvert son discours par une minute de silence en hommage aux victimes d’injustices d’État et aux membres du collectif disparus. Il a ensuite rappelé que cette initiative s’inscrivait dans le prolongement direct des Assises nationales et des engagements du président de la transition. Selon lui, cette remise n’est pas un geste isolé, mais un acte de justice attendu depuis des années : un signal fort d’une gouvernance qui veut placer la réparation et la vérité au cœur de son action.
Dans son intervention, le ministre est revenu sur le travail mené à travers le pays pour recueillir les témoignages des Guinéens victimes de spoliations ou de violences. Sur les 45 recommandations issues des Assises, celle concernant Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimess est aujourd’hui en pleine concrétisation. Mory Condé n’a pas manqué de saluer l’implication de ses prédécesseurs, Ousmane Gaoual Diallo, le général Ibrahima Sory Bangoura et Ibrahima Kalil Konaté, ainsi que les équipes techniques mobilisées. Au total, ce sont 2 600 familles qui verront leurs droits rétablis à l’issue du processus.
Au nom du collectif des victimes, Mamadou Samba Sow a exprimé une profonde gratitude, soulignant que cette date resterait « gravée dans les cœurs ». Il a rappelé la remise du titre foncier global de 258 hectares en septembre 2024 et le travail acharné mené ces 14 derniers mois pour identifier les ayants droit et établir les premiers titres individuels. Il a aussi évoqué les étapes à venir, notamment l’aménagement du site de Wonkifon et les compensations financières prévues.
L’émotion a atteint son paroxysme lorsque certains bénéficiaires ont pris la parole. Parmi eux, Thierno Sadou Diallo, marqué par le souvenir de son expulsion, a confié que deux dates resteraient à jamais gravées dans sa vie : celle où il a été contraint de quitter sa maison et celle où il a reçu son titre foncier. Son témoignage, comme celui de nombreux autres, a rappelé la profondeur des blessures laissées par les déguerpissements et l’importance du pas franchi aujourd’hui.
En remettant ces premiers titres fonciers, l’État guinéen ouvre la voie à une réconciliation attendue et pose un acte qui pourrait redonner confiance à des milliers de citoyens longtemps éprouvés. Une étape symbolique, mais essentielle, dans la reconstruction du lien entre l’administration et les populations.
Mamadouba CAMARA
