La Guinée s’apprête à franchir un nouveau cap dans la gestion de la sécurité routière. À partir du 29 novembre 2025, la détention d’un permis de conduire pour moto deviendra obligatoire sur tout le territoire national. L’annonce, faite par le ministère des Transports à travers la Direction nationale des Transports terrestres, marque un tournant dans un pays où la moto est devenue l’un des moyens de déplacement les plus répandus, mais aussi l’une des principales sources d’accidents.
Cette décision intervient dans un contexte où les routes guinéennes enregistrent un nombre croissant de collisions impliquant des motos, souvent dues au non-respect du code de la route, à l’inexpérience des conducteurs et à l’absence de formation. Pour les autorités, l’objectif est clair : professionnaliser la conduite, instaurer des normes, réduire les pertes en vies humaines et sécuriser davantage la mobilité urbaine et rurale. Le permis moto, longtemps évoqué puis repoussé, devient désormais une réalité incontournable.
Cependant, la mise en application de cette mesure survient dans une période économiquement délicate pour de nombreux ménages. La moto, considérée comme un outil de travail pour des milliers de jeunes, constitue souvent la seule source de revenu familial. L’obligation de se former, de fournir des documents administratifs et de payer les frais nécessaires pour obtenir le permis représente un défi supplémentaire pour une cible déjà fragilisée par la cherté de vie. Le coût élevé du document, estimé à plusieurs centaines de milliers de francs guinéens, fait planer une inquiétude réelle dans les rangs des conducteurs.
Au-delà de l’impact financier, la question du délai se pose également avec acuité. Entre l’annonce du 24 novembre et l’entrée en vigueur prévue pour le 29, l’intervalle est jugé extrêmement court pour une mesure d’une telle ampleur. Beaucoup estiment que le temps nécessaire pour s’inscrire, suivre la formation, rassembler les documents et passer les examens est incompatible avec une application aussi rapide. La pression pourrait donc être forte dans les centres d’apprentissage et les guichets administratifs, ce qui risque d’accentuer les frustrations.
Sur le plan social, cette réforme soulève un débat plus large sur la place des motards dans l’organisation du transport guinéen. Les autorités souhaitent assainir un secteur marqué par le désordre, les conduites à risque et l’absence de réglementation stricte. Le permis apparaît ainsi comme un outil pour instaurer une nouvelle discipline, favoriser une circulation plus fluide et réduire les comportements dangereux. Pour de nombreux experts en sécurité routière, cette mesure était devenue incontournable face aux accidents récurrents et aux traumatismes enregistrés dans les hôpitaux du pays.
Mais la réussite de cette réforme dépendra en grande partie de la capacité du gouvernement à concilier fermeté et accompagnement social. Une grande partie de la population appelle déjà à une révision à la baisse des frais liés au permis, ainsi qu’à un report du délai afin de permettre une transition progressive. L’enjeu est d’éviter que cette mesure pourtant salutaire ne devienne une source supplémentaire de tension dans un climat économique fragile.
À l’approche de la date fatidique du 29 novembre, la Guinée se trouve donc à un carrefour. L’obligation du permis moto peut amorcer une nouvelle ère de discipline et de sécurité, mais pour qu’elle soit acceptée et appliquée, elle devra s’adapter aux réalités de ceux qui vivent chaque jour de deux roues. Entre vision sécuritaire et contraintes sociales, le pays entame un débat qui pourrait redéfinir durablement son rapport à la mobilité.
Mamadouba CAMARA