Guinée face aux critiques de l’ONU : entre inquiétudes persistantes et volonté affichée de construire l’État de droit

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Le débat sur la situation des droits humains en Guinée a pris une nouvelle dimension ce vendredi 21 novembre 2025, après la publication d’un rapport sévère du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. L’instance internationale évoque un “recul généralisé” des libertés fondamentales et pointe plusieurs cas de disparitions inquiétantes qui ravivent les tensions autour de la protection des citoyens. Le Gouvernement guinéen, interpellé publiquement, a tenu à réagir pour défendre ses efforts et rappeler le contexte d’un pays encore marqué par des décennies de violences politiques.

Au cœur des préoccupations onusiennes figurent notamment les présumés enlèvements de proches de l’artiste engagé Élie Kamano. Le Haut-Commissariat appelle les autorités guinéennes à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur “retour immédiat et en sécurité”, tout en exigeant une enquête “rapide, approfondie et impartiale” afin que les auteurs de ces actes soient traduits en justice. Une demande qui s’ajoute aux inquiétudes exprimées autour du sort d’autres figures publiques, dont Foniké Mengué, Mamadou Billo Bah, l’ancien secrétaire général du ministère des Mines Saadou Nimaga, et le journaliste Habib Marouane Camara.

Face à ces critiques, le Premier ministre Amadou Oury Bah a opté pour un ton à la fois ferme et mesuré. Interrogé ce vendredi, il a rappelé que la transformation d’une société profondément traumatisée ne pouvait se faire par injonction. “Les mentalités ne changent pas par décret. C’est un processus qui se construit progressivement”, a-t-il déclaré, invitant les partenaires internationaux à tenir compte de l’histoire récente du pays.

Pour le chef du Gouvernement (lui-même ancien militant des droits humains), la Guinée porte encore les cicatrices de décennies d’abus, de répressions successives et d’une culture politique où la force a souvent pris le pas sur la loi. C’est ce poids du passé, selon lui, qui explique encore certaines dérives, même si les autorités affirment avoir enclenché une dynamique nouvelle depuis quatre ans. Amadou Oury Bah met notamment en avant un “apaisement relatif” des tensions politiques et une meilleure compréhension du vivre-ensemble, qu’il attribue aux réformes institutionnelles engagées depuis l’arrivée du général Mamadi Doumbouya au pouvoir.

Il cite entre autres l’organisation des Assises nationales, destinées à recueillir la parole des citoyens et documenter les violences historiques, ainsi que l’adoption de la nouvelle Constitution le 21 septembre dernier, présentée comme un socle pour la reconstruction de l’État de droit. Pour le Premier ministre, ces étapes démontrent que la Guinée a engagé un mouvement profond, même si le chemin reste long et semé d’attentes fortes de la part des citoyens comme de la communauté internationale.

Reste que les critiques répétées de l’ONU mettent en lumière un défi majeur : convaincre par des actes. Les appels à des enquêtes impartiales, à une transparence accrue et au respect strict des libertés individuelles rappellent que la transition vers un État de droit n’est crédible que si elle se traduit par une justice effective et un traitement égalitaire des citoyens, quelles que soient leurs opinions. Entre pression internationale et impératif de stabilité interne, la Guinée se retrouve ainsi à un point charnière, où chaque décision compte pour rassurer, réformer et rétablir la confiance.

Mamadouba CAMARA

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