Congo-Brazzaville mise sur l’intelligence artificielle pour bâtir sa souveraineté numérique
Le Congo-Brazzaville s’apprête à franchir une étape déterminante dans sa marche vers la souveraineté numérique. À Bacongo, deuxième arrondissement de Brazzaville, un bâtiment moderne en voie d’achèvement attire désormais l’attention. Ce n’est pas un immeuble administratif ni un projet immobilier classique. C’est un data center, une infrastructure stratégique qui doit placer le pays dans la dynamique africaine de l’intelligence artificielle.
Sur l’avenue principale qui traverse ce quartier historique, l’édifice symbolise déjà les ambitions nouvelles du Congo. Conçu pour stocker, sécuriser et traiter les données numériques, le centre de données abritera aussi des ordinateurs de très haute puissance et des supercalculateurs. « Ce data center permettra d’héberger des machines capables de traiter des volumes massifs de données, indispensables pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle », explique Eric Armel Ndoumba, conseiller aux télécommunications du ministre des Postes et télécommunications.
Pour ce pays d’Afrique centrale, l’enjeu dépasse la simple mise à disposition d’un outil technologique. Il s’agit de créer les conditions d’une véritable autonomie numérique, dans un monde où la donnée est devenue une ressource stratégique. Grâce à ce centre, les startups congolaises pourront travailler sur des données locales, entraîner leurs propres modèles d’IA et développer des solutions adaptées aux réalités du pays. Agriculture intelligente, gestion forestière, e-santé, gouvernance numérique, sécurité urbaine : les domaines potentiels d’application sont vastes et porteurs de transformation.
La Banque africaine de développement (BAD) joue un rôle décisif dans ce projet en en finançant une grande partie. Pour Brazzaville, il s’agit d’un partenariat stratégique qui ouvre la voie à une montée en compétences dans un secteur dominé jusqu’ici par les puissances technologiques. Le gouvernement, de son côté, s’engage pleinement dans la concrétisation de ce chantier. Le ministre des Postes et télécommunications insiste d’ailleurs sur l’importance d’un tel investissement pour la jeunesse innovante du pays.
« Nos startups n’ont pas les moyens d’acquérir des supercalculateurs ou des infrastructures de ce niveau. C’est donc à l’État de créer l’environnement qui leur permettra de progresser, d’innover et de rivaliser sur la scène internationale », souligne-t-il. Dans un contexte africain marqué par une forte dépendance technologique, ce choix politique résonne comme une volonté de bâtir un écosystème solide, où les compétences locales pourront éclore et se déployer.
Le Congo-Brazzaville veut ainsi éviter le destin de simple consommateur d’outils numériques conçus ailleurs. L’ambition est désormais de produire, d’expérimenter, de former et d’exporter son propre savoir-faire. Le data center de Bacongo s’inscrit dans cette vision. Sa mise en service imminente pourrait devenir un moteur pour l’économie numérique nationale et une inspiration pour les autres pays de la région.
Dans les rues de Brazzaville, les habitants suivent ce projet avec curiosité. Beaucoup y voient une opportunité pour les jeunes diplômés, les entrepreneurs et les passionnés de technologie. D’autres y perçoivent la possibilité d’un virage économique ambitieux, porté par la nouvelle économie de la donnée.
À l’heure où l’intelligence artificielle redessine les équilibres mondiaux, le Congo-Brazzaville affirme ainsi son intention de ne plus rester en marge. Le data center de Bacongo n’est pas seulement un bâtiment. C’est le symbole d’un pays qui choisit de prendre sa place dans l’avenir numérique du continent.
Mamadouba CAMARA