Il y a des promesses qui rassurent un peuple, et d’autres qui le marquent au fer rouge lorsqu’elles sont trahies. Lorsque le Général Mamadi Doumbouya, fraîchement arrivé à la tête du pays en septembre 2021, annonçait qu’il ne serait « ni candidat, ni intéressé par la politique », beaucoup avaient vu en cette déclaration un engagement fort, presque sacré. Une parole qui devait distinguer la transition en Guinée de celles, souvent chaotiques, vécues ailleurs. Quatre ans plus tard, la réalité raconte une autre histoire, plus complexe, plus humaine, et surtout plus politique.
Le pouvoir est un terrain qui transforme celui qui le foule. Ce qui commence comme une mission temporaire peut, au fil du temps, se muer en conviction que l’on est devenu indispensable. Et c’est dans ce glissement presque invisible que naissent les renoncements aux promesses initiales. Le Général Doumbouya n’a pas échappé à ce mécanisme. À mesure que les responsabilités s’alourdissaient, que les éloges se multipliaient et que les tensions nationales se cristallisaient autour de sa personne, le chef de transition s’est installé, peut-être malgré lui, au centre du jeu politique.
Mais ce revirement n’est pas anodin. Il remet en question la parole donnée, ce ciment fragile qui lie un dirigeant à son peuple. En choisissant de se présenter à l’élection présidentielle, le Général Doumbouya entrouvre la porte à une interrogation profonde : qu’est-ce qui l’a fait changer d’avis ? Le poids du pouvoir ? Les pressions internes ? La conviction d’être le seul capable de tenir le pays debout ? Ou simplement le piège classique du leadership, où l’on finit par croire que la nation ne peut avancer sans vous ?
L’histoire africaine regorge d’exemples où un chef militaire, arrivé au nom du salut public, finit par céder à la tentation du fauteuil présidentiel. La Guinée, elle, avait espéré échapper à ce schéma. D’où la déception, mais aussi la lucidité nouvelle qui traverse l’opinion : le pouvoir est une épreuve qui révèle l’homme autant qu’elle le transforme.
Ce retournement soulève enfin une question essentielle pour l’avenir démocratique du pays : que vaut un engagement politique si le temps, l’influence et la puissance peuvent le remodeler à volonté ? Dans une société où les citoyens réclament plus de transparence et de cohérence, la parole donnée devrait être plus lourde qu’un simple slogan de transition.
La Guinée entre dans une nouvelle étape de son histoire, faite d’espoirs, d’incertitudes et de vigilance. Une étape où le peuple observe, compare, analyse et retient une leçon majeure : dans le grand théâtre du pouvoir, les promesses vacillent souvent plus vite que les ambitions.
Mamadouba CAMARA