L’Égypte mise sur son blé local : un pari audacieux pour réduire sa dépendance aux importations
L’Égypte, premier importateur de blé au monde, veut revoir en profondeur son modèle d’approvisionnement. Les autorités ont annoncé leur intention d’acheter cinq millions de tonnes de blé local en 2026 pour soutenir leur vaste programme de pain subventionné. C’est un million de tonnes de plus que cette année, un objectif ambitieux qui soulève de nombreuses interrogations.
Pour mesurer la faisabilité de cette stratégie, il faut d’abord regarder la capacité agricole du pays. L’Égypte a récolté environ neuf millions de tonnes de blé cette année. Sur ce volume, le gouvernement a pu en acquérir quatre millions afin d’alimenter la production de pain vendu à prix réduit, un pilier social essentiel pour des millions d’Égyptiens. Viser une hausse de 25% des achats locaux en l’espace d’un an serait un changement spectaculaire, que des experts de la filière qualifient de véritable exploit si le pays parvient à le concrétiser.
Le ministère de l’Approvisionnement, lui, mise sur une stratégie de long terme. Depuis 2021, un vaste programme d’expansion des terres agricoles en zone désertique est en cours. L’objectif est de transformer des régions arides en espaces cultivables grâce à l’irrigation et aux nouvelles technologies. En parallèle, les autorités encouragent l’adoption de variétés de blé plus productives, capables d’augmenter les rendements malgré des conditions climatiques souvent difficiles.
Derrière cette démarche, se dessine une ambition claire : tendre progressivement vers l’auto-suffisance pour les achats publics de blé. Mais le chemin reste encore long. Pour couvrir le seul programme du pain subventionné, l’Égypte a besoin d’environ neuf millions de tonnes. Le pays devra donc à la fois améliorer la productivité, étendre ses surfaces cultivées et motiver les agriculteurs à vendre davantage au marché national plutôt qu’aux intermédiaires privés.
Si le pari est risqué, il souligne toutefois la volonté de l’Égypte de réduire sa vulnérabilité face aux fluctuations mondiales, aux crises géopolitiques et à la volatilité des prix. Un enjeu vital pour un pays où le pain reste au cœur de l’équilibre social.
Mamadouba CAMARA