Afrique du Sud s’impose comme médiateur sur la guerre en Ukraine
Alors que la guerre en Ukraine s’enlise et que les tentatives de négociations directes entre Kiev et Moscou se heurtent à de multiples blocages, l’Afrique du Sud cherche à renforcer son rôle de médiateur international. À la tête du G20 en 2025, Pretoria mise sur cette position stratégique pour donner une plus grande visibilité à sa diplomatie et s’imposer comme une voix singulière, capable de faire entendre le point de vue du continent africain dans un conflit qui a des répercussions bien au-delà de l’Europe.
Le président Cyril Ramaphosa, qui avait déjà multiplié les initiatives diplomatiques au début de la guerre, a repris l’offensive en lançant une série de conversations téléphoniques avec des dirigeants européens. Le 23 août, il s’est ainsi entretenu avec le président français Emmanuel Macron, afin de discuter des perspectives de dialogue, mais aussi de l’impact économique et humanitaire de ce conflit. Cet échange illustre la volonté du chef de l’État sud-africain de maintenir un canal de communication constant avec les grandes puissances occidentales, tout en gardant des liens avec Moscou.
Une diplomatie sud-africaine en quête d’équilibre
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Pretoria tente de trouver une position d’équilibre entre sa proximité historique avec la Russie – héritage de la coopération entre l’URSS et l’ANC durant la lutte contre l’apartheid – et ses relations économiques majeures avec l’Union européenne et les États-Unis. Une posture délicate, souvent critiquée, mais qui lui permet aujourd’hui de revendiquer une place de médiateur.
Cyril Ramaphosa s’était déjà illustré en juin 2023 lorsqu’il avait conduit une délégation de plusieurs chefs d’État africains à Kiev et à Moscou pour proposer un plan de paix. Même si cette initiative n’avait pas débouché sur des résultats concrets, elle avait marqué un tournant : pour la première fois, l’Afrique s’était exprimée d’une seule voix sur un conflit majeur, soulignant son refus d’être spectatrice des décisions géopolitiques mondiales.
Le G20 comme caisse de résonance
La présidence sud-africaine du G20 donne aujourd’hui un nouveau poids à cette ambition. En profitant de cette tribune mondiale, Ramaphosa cherche à placer la question de l’Ukraine dans une perspective plus large : celle de l’impact global de la guerre sur les économies émergentes. Inflation alimentaire, flambée des prix de l’énergie, ralentissement des échanges internationaux… autant de défis qui frappent durement l’Afrique et qui justifient, selon Pretoria, l’implication accrue du continent dans les discussions de paix.
L’entretien avec Emmanuel Macron s’inscrit dans cette logique. Paris, qui se veut proche des capitales africaines malgré les tensions récentes liées au Sahel, voit d’un bon œil l’activisme sud-africain, même si l’efficacité réelle de cette diplomatie reste à démontrer.
Une crédibilité encore à construire
Si l’Afrique du Sud veut véritablement s’imposer comme un médiateur incontournable, elle devra surmonter plusieurs obstacles. D’abord, sa neutralité est parfois remise en cause, notamment après les accusations occidentales affirmant que Pretoria aurait facilité des livraisons d’armes à la Russie, accusations que le gouvernement sud-africain a toujours démenties. Ensuite, son poids militaire et économique reste limité face aux grandes puissances. Enfin, la Russie comme l’Ukraine semblent encore loin d’accepter une médiation qui viendrait d’Afrique.
Cependant, Ramaphosa mise sur le temps long. Son objectif est clair : inscrire durablement l’Afrique du Sud dans la diplomatie mondiale, non pas comme simple observateur, mais comme acteur de dialogue. Dans un monde multipolaire en recomposition, où les blocs traditionnels s’opposent de plus en plus frontalement, Pretoria espère se positionner comme un pont entre l’Occident, la Russie et le reste du Sud global.
Une voix africaine dans un conflit mondial
Cette stratégie répond aussi à une attente plus large du continent africain : celle de voir ses préoccupations prises en compte dans les grandes crises internationales. Pour Ramaphosa, il ne s’agit pas seulement de parler au nom de l’Afrique du Sud, mais de porter une vision africaine sur un conflit qui menace la sécurité alimentaire, économique et énergétique de millions de personnes.
L’offensive diplomatique actuelle pourrait donc marquer une étape importante dans la réaffirmation de l’Afrique comme acteur géopolitique à part entière. Si son rôle de médiateur reste encore fragile et incertain, l’Afrique du Sud gagne en visibilité et renforce peu à peu sa stature internationale.
Mamadouba CAMARA